30 décembre 2021|In Le sens des mots|0 Commentaire|11 Minutes

Résolution 2022 : retrouver la motivation au travail ?!

Ces derniers jours, j’ai repensé à une histoire vraie qui remonte à quelques années. Brigitte*, 54 ans, sort effondrée de son entretien professionnel avec Régis*, son N+1. En larmes, elle me raconte ceci : « Tu sais quel objectif il m’a fixé pour l’année prochaine ? Que je sois plus motivée ! ». A l’époque déjà, cet échange me rend perplexe. Est-il pertinent de demander à Brigitte d’être plus motivée sans lui proposer de réfléchir à ses sources de motivation ? Au fond, qu’est-ce qui nous motive au travail ? Quelques pistes pour envisager la question à l’aube de 2022.

De l’antiquité à nos jours : rapide voyage dans le temps

Motiver vient du terme « motif », issu du latin « motivus » (mobile) et de « movere » (mouvoir). En ancien français, c’est « ce qui met en mouvement ». Pour les philosophes antiques, le but de toute vie humaine est le bonheur. Plus tard, Kant donne deux origines de la motivation : le devoir et la satisfaction du désir. Au début du XXe siècle, avec Taylor et l’organisation scientifique du travail, la motivation se résume au salaire. 

Et aujourd’hui ? La motivation est un sujet clé dans le domaine des ressources humaines. Le terme est partout, de l’incontournable lettre de motivation aux formules plus ou moins magiques supposées agir positivement sur la motivation…

Une définition de la motivation ? Prenons celle proposée par le CNRTL (mes sources sont à la fin de l’article), dans son sens psychologique :

Ensemble des facteurs dynamiques qui orientent l'action d'un individu vers un but donné, qui déterminent sa conduite et provoquent chez lui un comportement donné ou modifient le schéma de son comportement présent.”

Motivation, besoins psychologiques et degré d’autodétermination

La motivation s’appuie sur trois grands besoins psychologiques : le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’appartenance sociale. Pour parvenir à une sensation de bien-être, nous devons satisfaire ces trois besoins. Mais ce n’est pas moi qui le décrète !

La théorie de l’autodétermination des américains Edward Deci et Richard Ryan (années 1980) fait aujourd’hui autorité pour comprendre les différents facteurs qui affectent la motivation et permettent d’agir sur l’état de motivation des individus. Ces deux chercheurs distinguent aussi deux grands types de motivation : motivation intrinsèque et motivation extrinsèque.

Pas de panique : je vous explique…

La théorie de l’autodétermination est largement répandue dans le monde du travail et les pratiques managériales en entreprise, ainsi que dans les domaines de la pédagogie (éducation, formation), du sport (théorie de l’objectif de réalisation), de la politique… Autant d’applications possibles qui visent à satisfaire les besoins individuels et de la société.

Motivation intrinsèque ou la recherche du plaisir

La motivation intrinsèque (interne) renvoie directement aux notions de plaisir et de satisfaction, qui guident nos actions et nos activités (professionnelles mais pas seulement). Mais nous avons tous des ressorts internes différents. Je vous donne des exemples concrets.

Une première forme de motivation interne parlera davantage aux cascadeurs et autre casse-cous parmi vous, c’est celle liée aux stimulations et aux sensations fortes. Personnellement, je me reconnais davantage dans la deuxième : celle liée à la connaissance et au plaisir d’apprendre, à l’instar d’un chercheur. Un petit peu également à la troisième forme de motivation, liée à l’accomplissement, au sentiment de relever des défis, tel l’alpiniste. Et vous, qu’est-ce qui vous motive ?

Dans tous les cas, vous l’aurez compris, le moteur est ici interne, propre à l’individu. La motivation intrinsèque nous pousse à nous surpasser, à faire des efforts, sans avoir besoin de moteur externe. Un degré élevé d’autodétermination est indispensable pour des comportements libres et motivés par le plaisir.

Motivation extrinsèque : "sois motivé.e !!"

Au contraire, lorsque nos actions sont influencées par des contraintes extérieures, nous agissons pour obtenir une reconnaissance ou une gratification (félicitations du chef, prime salariale…) ou pour échapper à une sanction (avertissement, licenciement…). Nous réagissons en fait à notre contexte et nous ajustons notre comportement en nous régulant.

Notre degré d’autodétermination est alors réduit : ce sont des facteurs extérieurs qui guident nos comportements.

Et une absence totale de motivation, c’est possible ?

Oui, ça arrive. L’absence de motivation (ou amotivation) peut être externe, explicable par des critères variés, par exemple : mauvaise ambiance dans le service, objectifs commerciaux inatteignables, hyper contrôle du chef de service. Elle peut aussi être interne : fatigue, épuisement professionnel, maladie chronique…

En fait, pour être motivé.e, je dois pouvoir établir un lien entre mes comportements et les résultats de mes actions. A défaut, je pense que je ne peux pas agir sur la situation (c’est en tout cas comme cela que je perçois les choses) et je me résigne. L’absence de motivation présente le niveau le plus faible d’autodétermination.

Mais alors, comment agir sur la motivation au travail ?

Je vous livre un scoop : vive la motivation intrinsèque ! Les expériences conduites sur la théorie de l’autodétermination prouvent que nos actions, lorsqu’elles sont motivées de l’intérieur, sont favorables à la créativité, la santé, la réussite, la productivité, la performance… Alors que la motivation extrinsèque permet tout juste d’assurer un fonctionnement minimal de l’entreprise.

Année après année, les études et sondages réalisés auprès des salariés et des DRH le confirment : la recherche du plaisir rend heureux !
En entreprise, il y a donc tout intérêt à stimuler la motivation intrinsèque des salariés… mais le babyfoot et les chouquettes n’y suffiront pas (désolée pour les adeptes du « happiness management » !).

Passage obligé de l’autodétermination : mieux se connaître

Pour développer notre autodétermination, encore faut-il bien connaître les éléments qui favorisent notre bien-être au travail. Car la recette, c’est-à-dire les ingrédients et leur savant assemblage, n’est pas la même pour chacun.e. Un peu, beaucoup, d’autonomie, de reconnaissance, de tâches diversifiées, de nouvelles missions, de respect de nos valeurs… ?

En fait, identifier ce qui nous motive à titre individuel, mettre des mots sur nos besoins pour « bien travailler », est un passage obligé avant d’élaborer un projet professionnel motivant. Autrement dit, que nous aurons envie de mettre en œuvre.

Évidemment c’est bénéfique aux individus, mais aussi aux organisations de toutes tailles (le fameux « gagnant-gagnant »).

Mais comment faire le point sur ce qui nous motive, précisément ? Je vous parlerais bien du bilan de compétences et du coaching professionnel… mais d’abord, voyons quel genre de motivé.e vous êtes… (nb : si vous avez des questions sur le bilan et le coaching, n’hésitez pas à me contacter pour en parler !)

Toujours avec moi ? Un test pour savoir quel.le motivé.e vous êtes

Prenons une situation concrète. Depuis des mois, vous participez aux préparatifs du weekend des 40 ans de votre plus vieil ami (que vous aimez énormément). Or vous apprenez que le séminaire annuel de votre entreprise tombe le même weekend de juillet cette année. Comment réagissez-vous ?

Réaction n°1 : la mort dans l’âme, vous vous rendez au séminaire interne et pas à la fête de votre ami. Personne n’a jamais raté cet événement « corporate » et vous redoutez d’être blâmé si vous faites l’impasse. Vous réagissez pour éviter une sanction, ce n’est pas vous qui déterminez votre propre comportement : vous faites de la régulation externe.

Réaction n°2 : la vérité, c’est que vous vous sentiriez coupable de ne pas assister à ce séminaire annuel : une collègue que vous appréciez vraiment fait des heures sups depuis des semaines pour l’organiser. Vous commencez à intérioriser des contraintes qui étaient initialement externes. Genre : « si, si je te jure, je suis contente d’y aller… » : vous pratiquez la régulation introjectée.

Réaction n°3 : finalement, vous décidez d’aller à ce séminaire. Le buffet sera délicieux, la soirée organisée dans un cadre idyllique : piscine et jacuzzi sous les étoiles, champagne à gogo… Vous valorisez votre comportement, vous le percevez comme choisi (par vous) : vous avez basculé dans de la régulation identifiée.

Réaction n°4 : vous ne pouvez vraiment pas manquer les 40 ans de votre ami d’enfance et vous décidez de ne pas aller au séminaire annuel. Dans ce scénario, vous répondez à vos besoins de réalisation personnelle, vous agissez en cohérence avec vos valeurs et votre personne entière. Vous faites de la régulation intégrée.

Alors ? Quel type de motivation extrinsèque pratiquez-vous ?! Des questions ?

Aller plus loin : mes sources sur la motivation

Pour étoffer ma propre expérience de salariée, d’accompagnante et de coach professionnelle et mieux expliquer les ressorts de la motivation, j’ai fait quelques recherches et retenu : la définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL / CNRS, Motivation), des articles de Wikipédia (Motivation et Théorie de l’autodétermination), de l’encyclopédie Universalis (Origine de la motivation intrinsèque), du Bulletin de psychologie 2006/4 (Motivation intrinsèque), d’Opinion Way (sondages d’opinion) et de Pôle emploi (Motivation intrinsèque, plaisir et performance des salariés).

* Les prénoms ont été modifiés.